Rationalisation et pluralité des rationalités

On simplifie souvent abusivement la théorie wébérienne de la rationalisation, notamment lorsqu’on la présente comme la théorie d’une « sécularisation » qui porterait l’évolution de « la rationalité occidentale ». En récusant toute explication univoque, qu’elle soit causale ou motivationnelle, L’Éthi...

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Published in:Archives de sciences sociales des religions
Main Author: Raulet, Gérard (Author)
Format: Electronic Article
Language:French
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Published: Ed. de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales 2004
In: Archives de sciences sociales des religions
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Parallel Edition:Electronic
Description
Summary:On simplifie souvent abusivement la théorie wébérienne de la rationalisation, notamment lorsqu’on la présente comme la théorie d’une « sécularisation » qui porterait l’évolution de « la rationalité occidentale ». En récusant toute explication univoque, qu’elle soit causale ou motivationnelle, L’Éthique protestante montre que l’histoire du rationalisme n’implique en rien des progrès simultanés dans les différentes sphères de la vie. La démarche de Weber s’attache même plus à relever les décalages qu’à proposer une vision d’ensemble confirmant la croyance en « une » rationalité dont l’avènement, en dépit d’aléas, serait inéluctable. La provocation sur laquelle débouche cette conception est que « la » rationalisation émancipe et autonomise des rationalités. Il en résulte deux conséquences, qui se complètent et se corrigent, et qui esquissent en quelque sorte une philosophie wébérienne de l’histoire. D’une part une relativisation du « rationnel » et de « l’irrationnel », en vertu de laquelle il y a autant de « rationalités » que d’ordres de valeurs. Dès L’Éthique protestante est donc présente l’idée d’un polythéisme des valeurs, d’une lutte entre les points de vue et les rationalités. Aucune de ces rationalités ne fournissant en principe l’aune à laquelle évaluer les autres, elles sont naturellement dans une situation de concurrence, voire de conflit. Mais, d’autre part, Weber souligne que sa conception ne conduit nullement au relativisme. Car une « conséquence » finit par l’emporter. Dans le cas des rapports entre l’éthique protestante et le capitalisme, une « affinité élective » (en l’occurrence au sens fort de l’élection) s’est établie entre deux ordres de rationalisation a priori indépendants l’un de l’autre - une « rationalité » intrinsèquement religieuse et une rationalisation propre à l’existence dans le monde.On simplifie souvent abusivement la théorie wébérienne de la rationalisation, notamment lorsqu’on la présente comme la théorie d’une « sécularisation » qui porterait l’évolution de « la rationalité occidentale ». En récusant toute explication univoque, qu’elle soit causale ou motivationnelle, L’Éthique protestante montre que l’histoire du rationalisme n’implique en rien des progrès simultanés dans les différentes sphères de la vie. La démarche de Weber s’attache même plus à relever les décalages qu’à proposer une vision d’ensemble confirmant la croyance en « une » rationalité dont l’avènement, en dépit d’aléas, serait inéluctable. La provocation sur laquelle débouche cette conception est que « la » rationalisation émancipe et autonomise des rationalités. Il en résulte deux conséquences, qui se complètent et se corrigent, et qui esquissent en quelque sorte une philosophie wébérienne de l’histoire. D’une part une relativisation du « rationnel » et de « l’irrationnel », en vertu de laquelle il y a autant de « rationalités » que d’ordres de valeurs. Dès L’Éthique protestante est donc présente l’idée d’un polythéisme des valeurs, d’une lutte entre les points de vue et les rationalités. Aucune de ces rationalités ne fournissant en principe l’aune à laquelle évaluer les autres, elles sont naturellement dans une situation de concurrence, voire de conflit. Mais, d’autre part, Weber souligne que sa conception ne conduit nullement au relativisme. Car une « conséquence » finit par l’emporter. Dans le cas des rapports entre l’éthique protestante et le capitalisme, une « affinité élective » (en l’occurrence au sens fort de l’élection) s’est établie entre deux ordres de rationalisation a priori indépendants l’un de l’autre - une « rationalité » intrinsèquement religieuse et une rationalisation propre à l’existence dans le monde.
Weber’s theory of rationalization is often improperly simplified, notably when it is presented as a theory of "secularization" supposedly driving the evolution of "Western rationality". Rejecting any univocal explanation, regarding either cause or motivation, The Protestant Ethic demonstrates that the history of rationalism does not imply simultaneous advances in the different spheres of life. On the contrary, Weber’s approach tends more to stress the discrepancies rather than to propose a global vision confirming the belief in "one" rationality whose success advent would be inevitable despite some ups and downs. The provocative idea highlighted by such a conception is that "the" rationalization process liberates and grants autonomy to various rationalities. This approach leads to two complementary and mutually corrective consequences that present, in a way, a weberian philosophy of history. On the one hand, it presents a relativization of the "rational" and the "irrational", according to which there are as many "rationalities" as there are spheres of values. As early of The Protestant Ethic we find the idea of a polytheism of values, of a struggle between points of views and rationalities. None of these rationalities offers, in principle, a norm according to which the others are measured. They find themselves in competition, even in conflict. On the other hand, Weber stresses that his conception does not lead to relativism. Because one "consequence" eventually triumphs. In the case of the relationship between the Protestant ethic and capitalism, an "elective affinity" (here a strong sense of election) has developed between two apparently independent orders of rationalization - an intrinsically religious one and a rationalization related to worldly existence.
Se simplifica a menudo abusivamente la teoría weberiana de la racionalización, especialmente cuando se la presenta como la teoría de una "secularización" de la cual la evolución de la "racionalidad occidental" sería portadora. Recusando toda explicación unívoca, sea ésta causal o motivacional, La Ética protestante muestra que la historia del racionalismo no implica de ninguna manera progresos simultáneos en las diferentes esferas de la vida. La perspectiva de Weber se propone dar cuenta de los desajustes más que proponer una visión de conjunto, que confirme la creencia en "una" racionalidad cuyo advenimiento sería ineluctable. La provocación en la que desemboca esta concepción es que "la" racionalización emancipa y autonomiza racionalidades. Surgen entonces dos consecuencias, que se completan y se corrigen, y que esbozan de alguna manera una filosofía weberiana de la historia. Por un lado una relativización de lo "racional" y de lo "irracional", en virtud de la cual hay tantas "racionalidades" como órdenes de valores. Desde La Ética protestante se presenta entonces la idea de un politeísmo de los valores, de una lucha entre las perspectivas y las racionalidades. Dado que ninguna de estas racionalidades tiene la primacía para evaluar a las otras, éstas se hallan naturalmente en una situación de competencia, cuando no de conflicto. Pero, por otra parte, Weber subraya que su concepción no conduce de ninguna manera al relativismo. Porque una "consecuencia" termina por primar. En el caso de las relaciones entre la ética protestante y el capitalismo, una "afinidad electiva" (aquí en el sentido fuerte de la elección) se ha establecido entre dos órdenes de racionalización a priori independientes el uno del otro, una "racionalidad" intrínsecamente religiosa y una racionalización propia de la existencia en el mundo.
ISSN:1777-5825
Contains:Enthalten in: Archives de sciences sociales des religions
Persistent identifiers:DOI: 10.4000/assr.1053